Alerte rouge à Saint-Denis. Vexés par la gifle de Konya, les champions du monde ont une revanche à prendre sur les Turcs, lundi (20h45/18H45 GMT) au Stade de France où une marée de supporters visiteurs est attendue dans un contexte sportif, sécuritaire et diplomatique sensible.
Sur le terrain, le combat s'annonce intense entre deux nations toutes proches de se qualifier pour l'Euro-2020. Les Bleus auront leur billet en poche s'ils gagnent, mais aussi en cas de match nul voire de défaite si leurs poursuivants calent.
Pourtant, le contexte extra-sportif parasite un match rendu sensible par le souvenir du sulfureux France-Turquie de 2009, d'une part, et par les tensions diplomatiques entre Paris et Ankara, d'autre part.
Le déclenchement mercredi par le président turc Recep Tayyip Erdogan d'une opération militaire contre une milice kurde en Syrie a déclenché un tollé international. La France a dénoncé une "offensive unilatérale" et suspendu ses ventes d'armes vers la Turquie. Et à Paris, plusieurs manifestations en soutien aux Kurdes de Syrie ont déjà eu lieu ce week-end.
"Les problèmes géopolitiques, ils sont là. Que cela ait des conséquences? Forcément, sur l'environnement du match. Mais on ne va pas penser à cela", a évacué le sélectionneur des Bleus Didier Deschamps.
Les footballeurs turcs n'ont eux pas hésité à lier sport et politique, lorsqu'ils ont célébré vendredi leur victoire contre l'Albanie en réalisant un salut militaire, en soutien aux soldats engagés dans l'offensive.
"Je ne veux pas que ces discussions prennent le pas sur le match, a précisé dimanche le sélectionneur turc Senol Günes. Nous encourageons nos soldats, mais je suis contre toute sorte de violence."
- "Passion exacerbée" -
Au Stade de France, l'attitude des autorités françaises sera scrutée dans la tribune officielle, où devraient prendre place le ministre turc de la Justice ainsi que l'ambassadeur à Paris, selon une source diplomatique turque.
Les supporters de la Turquie sont attendus en grand nombre. Ils seront 3.800 dans un parcage visiteurs à guichets fermés, selon la Fédération française, et certainement beaucoup plus ailleurs, parmi les 78.000 spectateurs annoncés au total.
"Nous avons entendu que 40.000 supporters seront là (...), je pense que ce sera comme un match à domicile", affirme à l'AFP Cagri Davran, journaliste pour le quotidien sportif turc Fanatik.
Il y avait plus de 300.000 électeurs turcs inscrits en France lors du scrutin législatif de novembre 2015.
"C'est vrai que les supporters turcs se déplacent en nombre, ils ont une ferveur, une passion peut-être exacerbée", mais "on ne va pas compter combien ils sont", rétorque Deschamps.
La précédente opposition entre les deux équipes sur le sol français, il y a dix ans à Lyon, avait fini dans la confusion, interrompue quelques minutes après des jets de projectiles et de fumigènes au stade Gerland.
"J'espère qu'ils seront dans un esprit de fraternité", a déclaré Senol Günes à propos des fans turcs.
"Ce qu'il se passe en Syrie, c'est une chose, le match c'est autre chose. Bien qu'il puisse y avoir des imbrications, des provocations, nous essaierons de l'éviter", a tenté de rassurer l'ambassadeur de Turquie Ismail Hakki Musa, interrogé par l'AFP sur l'éventualité de tensions entre supporters turcs pro- ou anti-Kurdes en marge de la rencontre.
- Sécurité renforcée -
Lundi, pour ce match classé à risque, la préfecture a prévu un "dispositif de sécurisation générale pour prévenir les troubles à l'ordre public avant, pendant et après la rencontre".
Au Stade de France, les effectifs de sécurité ont également été augmentés (1.400 contre 1.200 habituellement).
Sur la pelouse, quatre mois après avoir sombré dans la fureur de Konya (défaite 2-0), les Bleus veulent "remettre les pendules à l'heure", selon l'attaquant Olivier Giroud.
"C'est l'occasion de montrer un autre visage et devant notre public de nous qualifier", poursuit le capitaine Raphaël Varane.
Mais la Turquie, coleader du groupe H avec la France, aura la même ambition et veut "faire une très belle prestation", selon Senol Günes.
Le sélectionneur turc sera toutefois privé de son capitaine Emre Belözoglu, comme Deschamps de Lloris, indisponible jusqu'en 2020.
Le gardien marseillais Steve Mandanda sera reconduit derrière une défense où Lucas Hernandez, ménagé vendredi en Islande, pourrait faire son retour. Souvent présenté comme un "guerrier" par ses coéquipiers, il ne serait pas de trop sur le terrain.