Le chef de l'Etat a rassemblé dans la matinée une trentaine de représentants du monde agricole (syndicats, interprofessions, coopératives) ainsi que le Premier ministre Gabriel Attal et plusieurs de ses ministres, selon des participants à la réunion.
Cet échange de plus de deux heures était destiné à évoquer les "perspectives" du secteur selon l'Elysée, qui espérait "acter la fin" de la crise de cet hiver.
Si les syndicats ont pu s'exprimer, ils sont ressortis de cet échange assez circonspects. Les syndicats majoritaires FNSEA et Jeunes agriculteurs (JA) ne sont "ni déçus, ni satisfaits", tandis que la Coordination rurale (CR) et la Confédération paysanne, respectivement deuxième et troisième syndicats, étaient plutôt "déçus".
Le président était "dans une phase d'écoute" et "pas dans une logique de discours", a précisé à l'AFP le cabinet du ministre de l'Agriculture.
Emmanuel Macron "nous a dit qu'il ne croyait pas à la fin des mouvements tant les causes étaient protéiformes", qu'il voulait "construire un projet d'avenir" et qu'il n'avait "pas l'intention de courir derrière la colère", a déclaré Arnaud Rousseau, le patron de la FNSEA, lors d'une conférence de presse.
L'alliance majoritaire FNSEA-JA attend depuis des mois la "vision" du président sur l'avenir de l'agriculture en France - une prise de parole devant faire écho à son discours de Rungis de 2017, qui fait encore figure d'épouvantail pour une grande partie du monde agricole.
Le chef de l'Etat nouvellement élu avait alors secoué les filières en prônant une production alimentaire plus qualitative, plus durable, et théoriquement plus rémunératrice pour les agriculteurs. Une stratégie percutée par l'inflation et la résistance du secteur.
"Obligés de rester mobilisés"
Pour livrer sa nouvelle vision, le président est désormais prêt à "attendre après les élections aux chambres d'agriculture", prévues en janvier 2025, jugeant que la concurrence entre syndicats pouvait être "un facteur d'interférence", a relevé le patron de la FNSEA, syndicat qui contrôle actuellement l'immense majorité des chambres d'agriculture.
Le chef de l'Etat envisage un discours "à compter de la rentrée 2024" pour détailler "une stratégie commune pour l'agriculture", a précisé le cabinet de Marc Fesneau. A condition qu'elle soit soutenue par "tout le monde".
Dans la soirée, Emmanuel Macron s'est brièvement exprimé sur la plateforme X. "Bâtir une vision d'avenir pour notre agriculture, nous le faisons avec l'ensemble du monde agricole et le gouvernement. Elle repose sur 4 piliers : produire davantage, s'adapter aux transformations, protéger de la concurrence déloyale, assurer le renouvellement des générations", a-t-il écrit.
"On est obligés de continuer à rester mobilisés sur le terrain. On attend toujours de l'argent pour nos trésoreries", a déclaré à la presse Véronique Le Floc'h, présidente de la Coordination rurale, "franchement déçue" de n'avoir pas entendu le président sur "un plan d'avenir".
De son côté, la Confédération paysanne a regretté que le président ait "conditionné la tenue d'un grand discours de perspectives pour l'agriculture cet automne à la fin des mobilisations de terrain", tout en ajoutant: "nous n'avons pas besoin de grands discours: nous avons besoin d'actes concrets".
Se disant "inquiets" après ce rendez-vous, ses militants ont rappelé dans un communiqué leurs priorités: des "revenus protégés" pour les agriculteurs, un "véritable accompagnement à la transition agroécologique" et une "vraie politique pour le renouvellement des générations en agriculture".
Sur le fond, ce premier grand rendez-vous du président avec le secteur depuis l'inauguration, sous les huées, du dernier Salon de l'agriculture, n'a rien acté de nouveau.
Alors qu'Arnaud Rousseau répétait encore jeudi matin que le président seul détenait "la clé de la fin de ce conflit", le président a choisi d'attendre, attentif au feu couvant encore sous la braise en dépit des aides annoncées.
La crise, qui a éclaté mi-janvier en Haute-Garonne, a poussé le gouvernement à prendre au total 70 engagements (fonds d'urgence, simplifications, "pause" dans l'élaboration du plan de réduction de l'usage des pesticides, allègement de charges sur l'emploi de travailleurs saisonniers...).
Au total, plus d'un milliard d'euros de mesures, allant des aides d'urgences aux prêts garantis, selon les données du ministère de l'Agriculture.