Les Français achètent de moins en moins d'appareils photo

Paradoxe alors que nous sommes inondés d'images: les Français achètent de moins en moins d'appareils photo. Ce marché qui avait échappé à la crise de 2008 est laminé par la concurrence des smartphones et tablettes.

La profession tentait de rester zen au Salon de la photo, cette semaine à Paris, mais les chiffres de vente sont catastrophiques. Moins de 2 millions d'appareils devraient être écoulés cette année en France, contre 2,7 millions l'an dernier. Le pic de 5,5 millions atteint en 2010 semble bien loin!

L'institut GfK, qui prend le pouls du marché, attend tout juste 1,5 million de ventes en 2016: on passera alors sous la barre du demi-milliard d'euros en valeur.

Pour mémoire, il s'était vendu 2,2 millions d'appareils argentiques en 2000, dernier record avant le passage de la photo au numérique.

"C'est incontestable, il ne s'est jamais pris autant de photos sur la planète. C'est vrai aussi que maintenant on fait des photos avec autre chose qu'un appareil photo", constate Baudouin Prové, le président du Salon de la photo.

La déferlante des smartphones et tablettes, a littéralement balayé les appareils compacts les plus basiques, qui s'étaient vendus comme des petits pains dans les années 2000.

"Les compacts qui tirent leur épingle du jeu sont ceux qui ont une vraie légitimité, ou une vraie valeur ajoutée par rapport au smartphone", relève Arnaud Pézeron, directeur marketing d'Olympus en France.

Il cite "les produits "outdoor" (les petits boîtiers solides et étanches, NDLR) et les "compacts experts" qui s'adressent vraiment à des photographes qui ont besoin d'un deuxième boîtier très léger qu'ils ont toujours dans la poche".

Et ce segment des "compacts experts" est stable. Il est même "en croissance valeur", car ces petits appareils plus sophistiqués sont aussi plus chers.

Les appareils reflex souffrent également beaucoup, ce qui était moins attendu.

Et là, ce n'est pas seulement la concurrence des smartphones qui est en cause, mais surtout la saturation d'un créneau qui avait superbement ignoré la crise de 2008.

Directement sur les réseaux sociaux

"On est sur un marché mature avec des taux d'équipements qui sont élevés", explique Isabelle de Oliveira, responsable de ce segment chez Nikon, numéro un en France.

Et la morosité persistante des conditions économiques ne fait rien pour accélérer l'achat d'un nouvel appareil reflex d'autant moins indispensable que les évolutions technologiques ont été moins flagrantes ces deniers temps, dit-on dans les allées du Salon de la photo.

Un nouveau produit apparu en 2009 tire son épingle du jeu: l'hybride, petit appareil mi réflex-mi compact à visée électronique et objectif interchangeable.

Olympus, Sony et Fuji, notamment, ont investi ce créneau, espérant bousculer les leaders Nikon et Canon. Mais s'il échappe à la dégringolade générale, l'hybride ne décolle pas vraiment en France.

Quels que soient les appareils, les constructeurs s'attachent à les convertir aux nouveaux usages, notamment pour séduire les plus jeunes.

"On essaie d'adapter les spécificités de nos produits", relève la responsable du marketing de Canon en France, Claire-Anne Devillard.

Puisque "63% des 15-29 ans disent qu'ils adorent partager leurs photos dans l'instant", la plupart des marques proposent désormais d'exporter directement ses photos sur les réseaux sociaux par wifi, sans devoir glisser la carte-mémoire dans un ordinateur.

Autre innovation, le pilotage à distance de l'appareil photo avec son smartphone, comme un objet connecté ordinaire.

Mais tout n'est pas sombre pour la photo, remarque Baudouin Prové.

"Le marché des objectifs se porte bien", note le président du Salon de la photo, par ailleurs patron de la filiale française du fabricant d'objectifs Sigma. "C'est un signe de bonne santé!"

Reste que les professionnels sont unanimes: si une nouvelle génération qui s'est convertie à la photo avec un smartphone cherche maintenant à progresser avec un "vrai" appareil, cela ne suffira pas à enrayer la chute des ventes, du moins dans l'immédiat.

"On revient à un marché de la photo recentré pour les passionnés", constate Baudouin Prové chez Olympus. "Ce qui était un peu le cas avant l'avènement du numérique."