Comme en Islande il y a quelques semaines, des Suisse ont commémoré dimanche, par une longue "marche funèbre" en montagne, la disparition d'un des glaciers alpins les plus étudiés, le Pizol, sous l'effet du réchauffement climatique.
Environ 250 personnes, dont certaines étaient vêtues de noir, ont rejoint après deux heures de marche le pied de l'ancien glacier situé près du Liechtenstein et de l'Autriche, aux alentours de 2.700 mètres d'altitude.
"Nous sommes là pour dire +Au revoir+" au Pizol, a déclaré à la foule Matthias Huss, glaciologue à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich, tandis qu'Eric Petrini, l'aumonier paroissial de Mels, la commune où se situait le glacier, en a appelé "à l'aide de Dieu pour relever le défi énorme du changement climatique".
Cette cérémonie intervient à la veille du sommet spécial de l'ONU sur le climat, lundi à New York, auquel participeront plusieurs chefs d'Etat et de gouvernement, qui sont appelés à renforcer leurs engagements pour limiter le réchauffement du globe à 1,5°C ou 2°C par rapport à la période préindustrielle, au XIXe siècle.
En Suisse, le Pizol "a tellement perdu de sa substance que, d'un point de vue scientifique, il n'est plus du tout un glacier", a expliqué à l'AFP Alessandra Degiacomi, de l'Association suisse pour la Protection du Climat, une des ONG à l'origine des funérailles.
Les participants, parmi lesquels figuraient des enfants, ont déposé des fleurs, mais aucune plaque commémorative contrairement à ce qu'avaient fait les Islandais le 18 août, à la mémoire de l'Okjökull, le premier glacier de l'île à avoir perdu son statut.
Mais en Suisse comme en Islande, deux pays connus pour leurs glaciers, l'inquiétude des scientifiques est la même face au réchauffement climatique.
- Pas le premier -
"Depuis 1850, on estime qu'il y a plus que 500 glaciers suisses qui ont complètement disparu", dont seulement 50 avaient un nom, a expliqué à l'AFP M. Huss, quelques jours avant la cérémonie.
"Alors le Pizol, ce n'est pas le premier. Mais, on peut le considérer comme le premier glacier suisse en train de disparaître qui a été très bien étudié", et ce depuis 1893, a-t-il souligné.
Le constat est sans appel : depuis 2006, il a perdu 80 à 90% de son volume. Seuls subsistent 26.000 m² de glace, soit "moins que quatre terrains de football", a raconté M. Huss.
Selon le Réseau suisse de relevés glaciologiques (GLAMOS), le Pizol appartenait à la catégorie des "glacierets", soit de très petits glaciers, qui constituent près de 80% du nombre total des glaciers suisses.
Situé à une altitude relativement basse (de 2.630 à 2.780 mètres d'altitude), il dépendait des quantités de neige accumulées l'hiver.
- Référendum populaire -
A l'image du Pizol, les quelque 4.000 glaciers alpins, des attraits touristiques qui fournissent aussi de l'eau en été à des millions de personnes, risquent de fondre de plus de 90% d'ici à la fin du siècle si rien n'est fait pour réduire les émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique, selon une étude de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich.
Et quels que soient les efforts faits pour réduire les émissions, les Alpes perdront au moins la moitié de leurs glaciers.
Situé en Suisse, le glacier d'Aletsch, le plus grand des Alpes, pourrait ainsi disparaître d'ici à 2100 si rien n'est fait pour freiner le réchauffement de la planète.
Les funérailles du Pizol ont été, pour les ONG qui ont organisé l'événement, dont Greenpeace, l'occasion de rappeler que le changement climatique met aussi en péril "nos moyens de subsistance" et menace "la civilisation humaine telle que nous la connaissons en Suisse et dans le monde entier".
C'est pour cette raison que l'Association suisse pour la Protection du Climat a d'ailleurs mis sur les rails un référendum d'initiative populaire, dit "Initiative pour les glaciers", afin d'exiger que les émissions nettes de gaz à effet de serre en Suisse soient réduites à zéro au plus tard en 2050.